Date de publication: 10 septembre 2024 / Santé / Author : ATH Sokren
Une équipe franco-cambodgienne de chercheurs travaille à trouver des solutions au problème de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Grace à l’intelligence artificielle, ils cherchent à optimiser la prescription des médicaments. C’est le projet « I am R ».
Cette équipe franco-cambodgienne est pilotée par la Dr Kennarey SEANG, épidémiologiste formée en Californie, et le Dr Stanislas REBAUDET, infectiologue travaillant à l'Hôpital Européen de Marseille.
Le Petit Journal Cambodge les a rencontrés pour fhdev.com
Qu’est-ce que le projet « I am R »?
Le projet « I am R » est une initiative multidisciplinaire franco-cambodgienne visant à lutter contre la résistance aux antibiotiques au Cambodge en utilisant des outils d'intelligence artificielle. Le nom du projet, « I am R », est un jeu de mots qui combine les concepts d’antibiorésistance (dont l’acronyme en anglais est AMR) et d'intelligence artificielle (IA).
L'objectif principal du projet est de fournir aux praticiens de la santé cambodgiens un outil informatique capable de guider efficacement le choix des antibiotiques en attendant les résultats des tests de laboratoire. Pour ce faire, le projet collecte et analyse d'abord une vaste quantité de données sur la résistance aux antibiotiques dans les établissements de santé du Cambodge, en se concentrant initialement sur l'Hôpital Calmette de Phnom Penh. En utilisant des techniques avancées d'intelligence artificielle et de machine learning, l'équipe du projet développe des modèles capables de prédire la sensibilité des bactéries aux antibiotiques en se basant sur les données historiques. Ces modèles seront intégrés dans une application informatique accessible sur smartphone, permettant aux praticiens de la santé de prendre des décisions éclairées sur le choix des antibiotiques en temps réel, en attendant les résultats des tests de laboratoire.
Existe-t-il des spécificités propres au Cambodge face à l’antibiorésistance ?
La manière dont les antibiotiques sont prescrits et utilisés au Cambodge est plus ou moins comparable à celle de nombreux pays en développement. Par exemple, l'automédication est une pratique répandue. Les patients se procurent des antibiotiques sans ordonnance médicale. Cette pratique peut être motivée par divers facteurs, tels que l'accès limité aux services de santé, la confiance dans l'auto-diagnostique ou le coût relativement faible des médicaments.
En outre, des défis spécifiques liés à la disponibilité et à la qualité des antibiotiques sont aussi des problèmes auxquels sont confrontés le système de santé de pays en développement. Dans certaines régions, notamment les zones rurales de ces pays, l'accès aux médicaments peut être limité en raison de la distance géographique par rapport aux établissements de santé ou de la pénurie de ressources médicales. De plus, la qualité des antibiotiques disponibles peut varier, avec parfois la présence de médicaments contrefaits ou de qualité inférieure sur le marché.
En ce qui concerne les pratiques de prescription des médecins cambodgiens, comme les autres aux pays en développement, elles peuvent être influencées par divers facteurs tels que la formation médicale, les protocoles cliniques en vigueur et les pressions socio-économiques.
Comprendre ces pratiques de prescription est essentiel pour élaborer des interventions efficaces visant à promouvoir un usage approprié des antibiotiques et à lutter contre la résistance aux antibiotiques dans le pays.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Ce projet ouvre la voie à une réflexion approfondie sur les défis pratiques, logistiques et scientifiques auxquels l'équipe de recherche est confrontée dans sa mise en œuvre :
1 - Accès aux données : Une des difficultés majeures peut être l'accès aux données pertinentes pour alimenter le modèle d'intelligence artificielle.
2 - Nettoyage des données : Une fois les données obtenues, un défi supplémentaire consistera à les préparer pour l'analyse. Cela nécessite des compétences en informatique pour structurer les données de manière à ce qu'elles puissent être utilisées efficacement pour former le modèle d'intelligence artificielle.
3 - Modélisation et apprentissage automatique : le cœur du projet réside ensuite dans le développement d'un modèle d'intelligence artificielle capable de prédire la sensibilité des bactéries aux antibiotiques. Cela implique la sélection et le développement d'algorithmes d'apprentissage automatique appropriés, ainsi que leur entraînement sur les données disponibles.
4 - Développement de l’application intégrant ces modèles d’intelligence artificielle qui réponde aux enjeux cambodgiens et aux attentes des futurs utilisateurs sur place : Un défi crucial sera de s'assurer que l'outil développé soit adopté et utilisé par les praticiens dans leur pratique clinique quotidienne.
5 - Durabilité et échelle : Une fois le projet pilote réussi, un défi supplémentaire sera de garantir sa durabilité et son expansion à d'autres établissements de santé au Cambodge et éventuellement dans d'autres pays.
Surmonter ces défis exigera une collaboration étroite entre les chercheurs, les praticiens de la santé, les responsables politiques et les communautés locales pour mettre en place des solutions innovantes et efficaces pour lutter contre la résistance aux antibiotiques.